Ma vision de SR......

Une tit' nouvelle que j'ai pondu pour un concours sur le net l'an dernier (shadowrun.fr), très librement inspirée de Usual Suspect...

Pas l'ombre d'une preuve...

« On sait que tu le connais !! Et tu vas nous dire ce que tu sais sur lui ! »
Silence. Dans la petite pièce sombre et surchauffée du bâtiment central Lone Star de Seattle, cela faisait près de deux heures que l’inspecteur spécial Declan Smith interrogeait Frank Bayle. Dans cette affaire de meurtre, il avait reçu toute latitude de sa direction et il espérait la faire avancer rapidement. L’elf qu’il avait en face de lui était sa meilleure piste et peut être sa seule chance d’en apprendre plus sur le dénommé Walther Withdraw, dont on avait retrouvé l’ADN sur le lieu du crime.
Mais l’autre restait désespérément évasif même quand il décidait de répondre à une question. Tranquillement assis sur une chaise miteuse, il toisait l’inspecteur et se moquait ouvertement de lui, sûr d’être bientôt dehors, faute de preuves.
L'inspecteur, les deux poings sur la petite table métallique, phalanges blanchissantes et mâchoire serrée, répéta sa question.

05.56. Vendredi matin. L'affaire traînait en longueur et l'inspecteur savait qu'il vivait des heures capitales ; capitales parce qu'il jouait autant pour lui que pour l'établissement d'une justice. Declan nourrissait encore le sentiment d'appartenir à une caste pour qui la devise "servir & protéger" possédait une valeur, une sorte de chevalier, justicier pathétique et anachronique dans ce sixième monde définitivement mercantile. S'il jouait pour lui, c'est bien parce que dans une affaire de meurtre, aussi tragiquement ordinaire et banale qu'elle puisse être, on voyait rarement un prédateur urbain, un shadowrunner, se retrouver soupçonné et encore moins accusé comme dans le cas de ce Walther Withdraw. Ainsi, ce fait divers deviendrait " l'Affaire Withdraw", référence en matière de jurisprudence : un bond dans sa longue et morne carrière d'inspecteur spécial de la LS, du moins l'envisageait-il comme cela.
A cent lieues de ce débat intérieur, Frank affichait un sourire ironique et méprisant, il caressa distraitement le datajack chromé implanté dans sa tempe droite, ses doigts frôlèrent les tissus cicatriciels de l'opération, "fumier de charcudoc, m'a bien raté..." pensa-t-il "...moi je le louperais pas, garanti…dès que je sors d'ici...". Se reconcentrant sur le moment présent l'elf parvint a capter la question du flic de manière quasi compréhensible : "Où est Withdraw???".
Sortant de son mutisme, Frank Bayle, cracha avec vindicte sa réponse au policier: "Mettons que je sache où il est, c' qu'est pas forcément le cas et dont je me tape… moi, qu'est ce que je glande ici, Star boy??"
Cédant à la colère l'inspecteur Smith, balaya d'un coup de pied les jambes de la chaise, sur laquelle Frank Bayle trônait crânement. La chaise, mise à rude épreuve par des années de dur traitement, céda dans un claquement sec. L'elf se retrouva immédiatement projeté au sol et saisi par une poigne d'acier à la gorge.
"T'es une raclure Bayle!!! Une enflure de la pire espèce, une sale petite frappe minable et sans envergure!! Un runner, un moins que rien...je te ferais parler, sois en sûr… Tu cracheras ton histoire en pleurant pour que je te laisse partir!!"
Puis desserrant son étreinte il laissa glisser mollement l'elf au sol...celui-ci loin de s'écraser fusilla du regard l'inspecteur, et crachant un jet de salive sur le sol, éclata de rire:
"T'es mort, Star boy…tu le sais même pas mais tu es déjà mort tu finiras pas cet enquête et si tu crois me faire peur....va faire l'avion tout nu dans le couloir, makaganee, tu sauras rien, que dalle....nada."

07.48. Toujours rien, énième pause soykaf, énième tentative de se calmer. Declan Smith tournait en rond, l'elf ne cèdait rien et le chrono tournait. "Une preuve, une putain de petite preuve et il est coffré ". A son poignet, le commlink vibra soudainement, « première sonnerie, attendre, deuxième, respire mon vieux, respire....trois »
« - Smith, Lone Star, j'écoute??
-….
- Merci Kyle, merci mille fois, omae… oui monte-le en salle d'interrogatoire!! »
Rentrant comme une furie dans la petite pièce, l'inspecteur Smith se dirigea de suite vers l’elf, assis sur une nouvelle chaise, son menton reposant sur sa poitrine.
« - Alors, Bayle, on dort ?....T'as raison prend des forces ça va être long maintenant...dis moi, je voudrais savoir ce que tu faisais... cette nuit, sur le parking du Mall Central de Seattle...à 02.17…précisément??
- Au Mall moi… nan Star boy tu te plantes...j'étais au pieux avec ta femme...2 heures tu dis? Ouais c'est ça …c'est quand elle me suppliait de la prendre je'm' rappelle...."
Volée de coup. L'elf a la bouche en sang mais il sourit. L'inspecteur lève à nouveau le poing... il s'arrête, la porte vient de s'ouvrir. Un policier en tenue entre avec un holoproj'.
« - Tu vois, Bayle, le plus drôle c'est que ce que tu viens de prendre c'est juste par plaisir....je vais te passer un petit film de tes exploits nocturnes...c'est pas vraiment complet mais je sais que tu feras un joli commentaire après...
- Un holo!! Personne ne croit à ça, Star boy!!... si c'était une preuve ça se saurait...
-.....c'est un fait, sauf que tu vois le juge me doit une faveur... et c'est pas comme si on pouvait faire confiance à la justice, ces temps-ci, hein??? »
Ce petit mensonge sembla avoir un effet sur le comportement de l'elf, ses yeux affichaient soudain moins d'aplomb. Avait-il des doutes??
Declan, en inspecteur expérimenté, poussa son avantage. Il appuya sur le bouton de l'appareil vidéo qui, après un vrombissement caractéristique, fit naître une projection holographique en Réalité Augmentée du parking du Mall. On pouvait y voir deux individus se déplaçant entre les voitures, l'un d'eux devait être Frank Bayle, l'autre était un homme petit, aux traits épais et mous, la barbe mal rasée et les cheveux longs. La vidéo s'interrompait brusquement après un bref éclair lumineux, éclairant la face radieuse de Bayle pointant vers l'objectif un énorme pistolet.
« - Bon ok, star boy, j'étais sur ce parking... et ensuite?? Tu vas me coffrer pour avoir flinguer une caméra cachée?!!
- Non, Bayle je te coffre pour complicité de meurtre, nettement plus drôle... tu crois pas??"
L'elf eut du mal à déglutir. Ca ne tournait pas du tout à son avantage, quelques secondes plus tôt il croyait encore que les flics chercher Withdraw pour une autre affaire. Là il apprenait qu'ils connaissaient leur course de cette nuit. "Pas bon, pas bon du tout", pensa-t-il,"si je crache l'affaire au flic je tue ma rép' dans les Ombres...si je dis rien le flic me coffre et c'est la tôle...
« - Inspecteur, sérieusement... vous pouvez pas le prouver ce que vous dites... vous allez pas me coffrer sur des suppositions, hein?? »
Declan Smith jubilait, le poisson était ferré, il savait que c'était joué, la partie était close. Bien sûr les aveux ne seraient pas immédiats mais ce n'était plus qu'une question de temps. Il alla frapper à la porte pour que le planton lui apporte une chaise et un Transcom pour prendre la déposition.
« - Je t’écoute, Bayle....on reprend au chapitre "cette nuit 02.17".... tu te ballades avec Withdraw sur le parking du Mall et tu fais du "tir au pigeon" sur les néolights… c'est ça?? »
Il se saisît de la chaise, que venait d'amener le policier de garde, s'installa à l'envers dessus, les coudes sur le dossier, le dossier contre la table et posa le Transcom sur cette dernière.
« - Reprenons si tu veux bien...??
- Ouais c'est ça ... je discutais avec mon pote, c'est interdit? Et les néolights c'est manière de s'entraîner...pas perdre la main tu vois??
- Pas perdre la main... tu veux dire que tu es coutumier de l'usage d'arme à feu?? Passe-temps original pour un gars sans emploi référencé....mais bon, passons… que voulais tu à Withdraw?
- Rien, Star boy, on causait c'est tout...
- Ok alors de quoi parliez vous?
- Ben de poupée....tse… y'as un nouveau bar qui a ouvert..." le Jade Jaune" ou un truc dans le genre...parait que c'est bien fréquenté et qu'elles sont avenantes...
- Et vous y êtes allés à ce bar??
- Non...enfin si, après, plus tard...Walther aime ces endroits
- T'as dis "après"... Bayle, après quoi, dis moi ?? Ca m'intéresse!
- Ben quand on discutait sur le parking... il m'a dit qu'on irait cette nuit mais qu'il avait un truc à faire avant, tse c'qu'c'est on pose pas de questions entre potes... je sais pas ce qu'il allait faire moi....
- Ca c'est pas encore le sujet... on verra plus tard... donc tu disais qu'il est parti et que vous êtes allé au "Jade Jaune" plus tard dans la nuit...??? Comment il t'a rejoint là-bas...??
- On y est allé ensemble vers 03h30... il m'a appelé 15 min avant et je suis allé le chercher devant chez lui.....
- On t'a arrêté à 04.05 chez toi… soit à environ vingt bornes du Jade... faut arrêter tes mensonges, Bayle...ça tient pas debout ton histoire. On reprend... »

12.36. Declan Smith massait sa nuque raidie par la fatigue de ce long interrogatoire. Frank Bayle, alias Junk, avait quasiment livré le scénario du crime nocturne. Par la répétition des faits, en exploitant les incohérences, l’inspecteur avait obtenu un emploi du temps complet et précis de l'action. Il s'était en outre assuré de la qualité des protagonistes et même de leurs motivations respectives... Bayle, était bien ce qu'il semblait être, un homme sans honneur, une ordure vénale et sans scrupules, un individu avide d'argent, mercenaire par intérêt. Au contraire, Withdraw, le mage, était un criminel plus intéressant. Bien sûr il exerçait le même commerce de compétences que Bayle et vivait en marge de l'existence rangée des travailleurs corporatistes. Pourtant sans être un saint, il agissait à sa manière pour établir une société meilleure, ses aspirations étaient politiques, il voulait une société sans Méga corporations, sans justice de l'argent. Evidemment, Bayle se moquait de l'attitude de son confrère, mais l'inspecteur spécial Smith ressentait plutôt une sorte de respect pour ce Walther Withdraw et sa liberté d'être.
Malgré ces considérations philosophiques, le mage avait tué un cadre de chez NeoNet et ses gardes du corps, avec la complicité d'un mercenaire et pour le compte d'une tierce personne qui les avait illégalement rémunérés. Pour tout cela, il devenait coupable aux yeux de la justice dont Smith était le représentant.
Frank souriait intérieurement. Malgré les coups reçus, dont son visage tuméfié témoignerait dans les Ombres, il se savait vainqueur. Cet inspecteur spécial avait tout gobé de son récit et croyait fermement en la culpabilité pleine et entière de Withdraw. Tant mieux, finalement. Son court séjour chez la Star apporterait à Junk un prestige conséquent. Ces futurs Johnson saurait que l'homme qu'ils payent sait utiliser sa matière grise et surtout se taire.
« - Ecoute moi, Bayle, je te le redemande une dernière fois... où est ton ami Walther Withdraw??? Si tu le dis, j'étouffes ta complicité dans l'affaire, tu vois je suis correct avec toi?? Tu me craches une adresse, un lieu où le trouver et tu repars blanc comme neige!!
- Ouais ça semble correc’, Star boy, trop correc' même... encore une embrouille de ta part... J’marche pas, je suis pas une balance... donne moi une raison de te croire... »
L'elf, ne semblait pas vouloir lacher prise et continuait à repousser le moment de l'aveu crucial. D.Smith devait négocier avec son patron la libération du suspect Bayle, mais il savait que celui-ci repartirait sain et sauf. La vidéo ne constituant pas une preuve recevable, et les aveux se limitant au chapitre d'accusation de complicité de crime, la LS ne détenait rien contre Bayle. L'inspecteur ne visait de toute façon que le gros poisson, le mage assassin, le fumeur de synthéclope "Virginia Old".
Quelques minutes plus tard, Declan Smith faisait les cents pas devant le bureau de la secrétaire du Commissaire Divisionnaire J.Horthiz. Quand il pénétra dans le bureau, les odeurs de soykaf et de toasts grillés rappelèrent à l'inspecteur le repas sauté.
« -Monsieur... on tient le suspect enfin presque. Notre balance veut être libéré en échange de l'adresse...
- Smith, j'apprécierais fortement que vous m'expliquiez plus calmement et clairement de quoi vous parlez, dit le Commissaire, levant un sourcil étonné...
- Pardon, Monsieur, je résume si vous permettez??....
- Je permets, Smith, je permets...
- Voilà cette nuit vers deux heures, Doc Wagon nous signale le décès d'un de ses patients, à l'hôpital St James. Histoire classique et par routine on lance une Procédure d'Enquête Standard... sauf que après fouille du Lieu de Crime on tombe sur un mégot… recherche effectuée c'est un certain Walther Withdraw, un shadowrunner écoterroriste et mage qui l'a fumé et qui est coupable du meurtre aussi... Le seul moyen que l'on a de l'attraper, c'est par un certain Frank Bayle, le suspect que j'interroge en ce moment. Il est complice mais il n'y a aucune preuve tangible. Par contre, on peut le lâcher pour avoir le mage… !!!!
- Eh bien, faites donc ça, Smith, et clôturez moi cette PES rapidement,... je vais pas bouffer des creditubes à vous payer pour ce genre de bêtises!!... Qu’attendez vous, Smith ??
- Votre signature, Monsieur, S’il vous plait… »

Declan Smith était sorti du QG Lone Star comme un fou furieux, les pneus de sa Ford Americar, modèle 2053, laissant de longue trace de gomme sur l’asphalte. Il filait grand train vers le « Jade Jaune », où il allait arrêter Withdraw. En effet sa négociation avait fonctionné. Frank Bayle, contre sa libération et son blanchiment dans l’affaire, avait révélé que Withdraw se trouvait encore au bar fêtant son forfait nocturne dans le stupre et la luxure.

Quelque part dans la baie de Seattle, au même instant, un corps inerte refit surface. Après enquête, l’autopsie confirmerait que ce corps était celui d’un certain elf nommé Frank Bayle et mort par empoisonnement après ingestion de Fugu dans un bordel japonais.

Junk, de son côté, avait récupéré ses maigres affaires au dépôt. Le préposé lui avait remis son commlink, son prédator avec son permis de port d’armes, son briquet et son paquet de « Virginia Old ». Dehors, il se mit à sourire et respira à pleins poumons l’air vicié du metroplexe. Walther Withdraw alluma une cigarette et laissa tomber son masque magique….

une deuxième nouvelle faisant suite à la première...inachevée pour le moment:

"Sortez de chez moi !!!!!" hurla la femme, des sanglots dans la voix. " Ne vous inquiétez pas, je vais sortir. Je suppose que je n'ai pas à régler cette assiette de soya-nouilles que vous avez renversé sur ma table?? , répondit l'homme assit, en tamponnant, précieusement, la commissure de ses lèvres adipeuses, avec le coin d'une serviette. " Vous savez, je comprend parfaitement votre émotion... n'hésitez pas à me contacter!!".
Laissant une carte de visite en papier sur la table, comme cela se faisait au siècle passé, l'homme sorti de la petite échoppe et parti d'un pas lourd vers Downtown. Le temps était encore une fois à la pluie et celle-ci s'avérait particulièrement glacée et drue, même pour la saison. Walther Withdraw, après une quinzaine de minutes de marche atteint le perron d'un vieil immeuble en bordure de Puyallup et Downtown, il était trempé et avait le souffle court après cet effort quasi surhumain pour cet homme si négligé physiquement. Il monta les quelques marches en ahanant et poussa péniblement la lourde porte d'entrée, il gravit lentement les 4 étages, à pied, en maudissant l'ascenseur en panne. Et enfin, après avoir passé son pass dans le maglock de la porte, pénétra dans un petit appartement sombre et mal rangé. Il alla se chercher une soybeer et se laissa choir dans un vieux fauteuil en cuir, écrasant au passage son doigt sur le bouton de mise en marche du telecom. Il appela le répondeur virtuel de sa boite matricielle grâce à la reconnaissance vocale, miracle de la technologie moderne, et écouta la voix synthétique lui annoncé qu'il n'avait eu aucun message durant son absence.
" Super, 'tain ça va continuer longtemps cette galère !! " depuis la mort de Bayle, il n'avait effectué qu'un petit boulot sans envergure et ses faibles économies étaient depuis longtemps disparues.
Il repensa à la jeune ork qu'il avait laissé quelques vingt minutes plus tôt, "pas trop moche" se remémora-t-il avec un sourire lubrique. Cet entretien imprévu concluait tardivement un run d'espionnage bas de gamme et inintéressant réalisé un an auparavant, par une touche de sadisme qui n'était pas pour déplaire à Withdraw. Quel plaisir quand il avait révélé à la femme que son mari avait lancé une enquête sur elle, afin de s'assurer de sa fidélité alors que lui même visitait régulièrement des call-girls bon marché de Puyallup. Naturellement, il avait attendu un moment propice pour faire cette révélation sordide et inutile et la mort accidentelle du mari dans le port de Tacoma, une mort affreuse au demeurant, avait fourni le moment adapté pour ne pas dire rêvé.
Attaquant une autre cannette, il se laissa couler dans une certaine torpeur comateuse. Il rêvait de cette femme, cette femme qu'il avait suivie pendant des jours, dont il connaissait la moindre manie, dont il pouvait retracer la moindre parcelle d'aura en quelques secondes. Il imaginait ce corps à la fois ferme et souple, cette musculature déliée, puissante et pourtant harmonieuse, les hanches pleines...

Le telecom avait fini par sonner et non seulement il avait donné signe de vie, mais il avait aussi apporté une bonne nouvelle, une excellente nouvelle. Fetherman, Lucas Fetherman, le fixer nain, avait trouvé un boulot dans les cordes de Withdraw, un run visiblement simple et bien payé, une aubaine. Un seul hic, le mage allait devoir s'accommoder d'un complice pour effectuer le run et Walther détestait travailler autrement qu'en solitaire. Le Johnson attendait la team au "Bluebelly", un pub d'Everett réputé pour sa mauvaise fréquentation, un lieu de dur à cuire agressif et dangereux. Withdraw fit le tour de son calepin de contacts, tour rapide si il en était puisque le calepin ne renfermait qu'une petite dizaine de noms. Le mage arrêta son choix sur Chrome un humain branché "ORNI", des Objets Roulants Non Identifiés, un "interfacé" comme on les nommé habituellement. Si Walther n'avait jamais compris qu'on puisse échanger son corps pour du chrome et se passionner pour des objets inanimés, il appréciait chez Chrome le professionnalisme froid dont il faisait preuve invariablement. Outre cette qualité morale, il disposait d'un sens accru de la tactique et d'une puissance de feu mobile intéressante, bref, un homme foncièrement utile. Il appela l'interfacé et lui laissa le message codé de rigueur sur sa boite vocale, pour qu'il soit à l'heure au rendez-vous du soir.
Ceci fait, il entama une autre canette et se commanda une soypizza "chinoise"....
A 20 heures précise, Junk, comme on appelait Withdraw dans les ombres, pénétra dans le "Bluebelly", l'odeur acre et la fumée épaisse et grasse du lieu l'agressèrent immédiatement, retenant sa toux et les larmes qui lui montaient aux yeux, Junk se composa une attitude agressive. Il alluma une synthéclope pour parfaire son personnage et compenser le goût acide de la nausée qu'il ressentait chaque fois qu'il devait discuter avec Johnson. Ayant avisé le barman ork qui nettoyait consciencieusement ses verres en crachant dedans et passant un chiffon qui était moins propres qu'un squatter. Pragmatiquement, le mage se dit que l'alcool tuerait les microbes, il commanda donc le tord boyau local et s'installa au bar. Une demi heure serait suffisante pour ce préparer au rendez-vous, il en profita pour scanner l'astral, il s'arrêta complaisamment sur le couple qui faisait ses petites affaires dans les toilettes. Revenant à la réalité physique, il eut à peine le temps d'éviter le poing qui aurait du lui encastrer la tête dans un poteau de soutien du comptoir. A l'autre bout de la main, suivant un bras énorme et interminable, il y avait la tête baveuse et irritée d'un ork.
"- Hé toi!! le norm, tu dégages de ma place, ou je te refais le portrait façon....heu, façon pas beau !!
- On dit façon Picasso, connard...mais t'es bien trop con pour écrire ton prénom... alors pas la peine de retenir le nom d'un mort, même célébre."
Rétorqua Junk, il profita du temps que lui donnait cette brève conversation pour imprimer sa chaussures ferrée dans l'entrejambe de l'importun. L'ork tomba à terre en hurlant, mais le deuxième cri s'interrompit assez vite dans sa gorge quand un deuxième coup de pied lui éclata les dents.
Junk cracha son mégot sur sa victime, puis avec un regard carnassier pour les clients du bar, il déclara: "J'ai pas trop le temps, ni l'envie de jouer avec vous, alors je serait plus expéditif avec les candidats suivants!! débarrassez moi cette loque, ça me gonfle de l'entendre gémir...j'aime bien boire tranquille."
Le calme se fit immédiatement dans le bar, on jeta dehors l'ork, et pas un bruit ne fusa de la salle, pendant de longues minutes tout le monde put ainsi profiter des cris de plaisir de la "dame des toilettes". Le silence fut rompu par l'entrée dans le bar, d'un black immense, ses yeux couleur chrome balayèrent la salle rapidement puis il marcha d'un pas décidé vers Withdraw. Ses déplacements coulant trahissaient des implants cybernétiques de réaction améliorée dernier cri. Son crâne lisse présentait une collection impressionnante de Datajack tous chromé. Il tendit la main au mage qui la serra avec réticence: "Chrome, toujours disponible quand on a besoin de toi!! c'est bien, comment vas tu?? charmant ce bar, n'est ce pas?
- ordonné...calme aussi mais salle, j'aime pas ce lieu." répliqua l'homme cybernétique d'un ton monocorde," ma situation personnelle est... satisfaisante, merci."
Aussi humain que mon frigo, pensa le mage, je m'y ferais jamais, ça se trouve ce machin ne respire même pas!! "Johnson va arriver dans 5 minutes, c'est un job banal mais la paye est bonne."
Johnson était venu, avait vu, puis était reparti satisfait vers son monde corpo lisse et ordonné, restait nos deux runneurs avec un sacré paquet d'embrouilles supplémentaires sur le dos. Withdraw égal à lui même en avait trop fait,cherchant à masquer sa nervosité et passant ainsi pour un parfait débutant , et Chrome s'était a nouveau montré exécrablement tatillon sur tous les points de la négociation comportement qui ferait perdre son calme à un maître zen... En somme une excellente négociation qui se soldait par un rabais de trente pourcents du salaire des deux complices par rapport à la somme initialement annoncée, pour fêter ce succès le mage avait bu le reste de la soirée jusqu'à en tomber parterre et Chrome était aller cramer de l'essence sur l'asphalte de l'interstate 261.
Malgré la mauvaise humeur, le besoin d'argent avait resurgit et les deux complices c'étaient, dès le lendemain, mis à préparer leur coup.Le timing allait être la pierre angulaire pour la réussite du travail, là encore une déception pour Withdraw qui avait bien du mal à se concentrer et mobiliser ses pouvoirs dans des situations si cloisonnées, si pressentes, tellement pesantes.Ils avaient fait maintes fois le tour du batiment ciblé, variant allures, véhicules et horaires pour ne pas éveillez de soupçons, avaient en outre recherché des plans aussi recent que possible du batiment et du réseau d'égout local. Observé le toit depuis un hélico et depuis des batiments voisins, scané les fréquences de communication sur le paté de maison incluant aussi celle de la Lone Star et de la sécurité privée des lieux, voyages astraux aux limites du dangereux pour Junk, un travail harassant mais vital, qui leur pris la semaine entière. Le cerveau cyber-augmenté de Chrome stockant, compilant, analysant une quantité
de données tactiques proprement inconcevables alors même que celui- ci conduisait les différents véhicules et drones dont les deux runners eurent besoin. Rien ne devait à aucun moment et quelque soit les conditions pouvoir faire varier d'un infime iota le plan d'action des deux compères, l'échec n'était pas une solution envisageable, la mort elle-même dut-elle s'en mèler.
Tout avait bien commencé, le van de Chrome c'était garé a l'heure exacte dans la petite ruelle qui courait le long de l'entrepôt, le drone aérien de combat avait pris son envol dans un léger chuintement inaudible de turbine et gardait le toit, Junk s'était coulé silencieusement hors du van vétu d'une combinaison d'assault. Il avait déverouillé rapidement le système de sécurité de la porte de secours, s'était glissé sans bruit à l'intérieur et avait étendu ses perceptions sensorielles, basculant dans l'astral pour vérifier qu'il n'avait pas était repéré. Revenant dans le plan physique il avait poursuivi sa progression... vingt mètres, tourner à gauche, caméra sur la droite se baisser calmement, trente seconde, longer le mur... voilà la porte, son commlink, qui le reliait à Chrome assis en mode "captain chairs" au volant du véhicule, lui transmettant en temps réel toute les données de déplacements, les embuches, le timing. Là!! sa cible était bien à l'endroit prévu, une jeune femme qui avait émis le souhait de quitter sa corporation, l'extraction, travail classique et juteux pour les shadowrunners comme Withdraw, d'autant plus facile que la personne est consentante. Pour l'heure, celle-ci était endormie, le corp recouvert par un simple drap blanc malgré la fraicheur de la saison. Junk après avoir indiqué silencieusement, à son complice, sa découverte, s'agenouilla calmement au pied du lit, posant sa main sur la bouche de la femme, pour éviter un cri de surprise qui aurait alerter tout l'entrepot, il secoua fermement l'épaule de la dormeuse. Aucun signe de vie..., il réitéra son geste en maugréant, "c'est pas normal, bordel, qu'est ce qui se passe...réveille toi, on a pas le temps...". Soudainement pris d'un doute affreux, il posa main sur la jugulaire de la fille.... pas de poul !! Il jura dans son commlink: "elle est morte putain!! c'est pas normal, ca merde sérieux.... Chrome, on fait quoi maintenant!!!!! ", la voix métallique de l'interfacé ne tarda pas à se faire entendre, le ton aussi froid que la glace "prendre corps,...suivre instructions, ramenner la cible à Johnson"...bien sur, ca le fait pas chier lui, c'est facile de dire ca...merde j' vais pas pouvoir la déplacer... merde de merde...job facile qu'il a dit Johnson!! sun'ava' bitch!

Je connaissais la premiere, j'aimais beaucoup; et j'aime vraiment la deuxieme.
Je tire mon chapeau!

C'est très bon.